Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Charlie-Hebdo gaulliste

...ou comment une contre-culture devient une culture dominante.

Dans le courrier des lecteurs de "Charlie-Hebdo" de cette semaine, un lecteur reproche à "Charlie-Hebdo" de ne pas appeler plus clairement à voter pour E. Macron, dernier monarque élu suivant le dispositif bonapartiste conçu par de Gaulle en 1958, et que "Mai 68" assimilait au fachisme.

Si la satire de "Charlie-Hebdo" vise surtout les ennemis politiques d'E. Macron depuis quelques années, et "Charlie-Hebdo" ne peut tout de même pas appeler à voter directement pour E. Macron : même K. M'Bappé ne le fait pas !

"Charlie-Hebdo" ne pouvait pas faire mieux que de brocarder systématiquement les Gilets jaunes comme des beaufs à demi-alcooliques et haineux. Depuis "Mai 68", le mouvement des Gilets jaunes est le seul à avoir mis la monarchie gaulliste sous pression, au point qu'elle a conçu un plan d'évacuation de l'Elysée en hélico (précaution sans doute inutile, mais deux précautions valent mieux qu'une, pense-t-on dans les hautes sphères depuis l'exécution de Louis XVI).

Il faut se mettre un peu à la place du chef de l'Etat : Jordan Bardella et son parti constituent certainement un meilleur contre-feu aux Gilets jaunes que les caricatures de "Charlie-Hebdo". La rapidité avec laquelle Marine Le Pen a trahi V. Poutine est de bon augure en ce qui concerne l'assimilation de son parti "nationaliste" (sic) à la politique de l'Union européenne (dont toute la politique consiste à appliquer des recettes capitalistes hasardeuses). L'aptitude d'un parti politique moderne à gouverner ne tient-elle pas en premier lieu dans son aptitude à trahir ses électeurs ? Il y a une dynamique semblable dans le FN et "Charlie-Hebdo", si l'on considère que Jean-Marie Le Pen a été pendant vingt ans le principal organe satirique de droite.

Le retournement de "Charlie-Hebdo" est strictement parallèle à celui de "Mai 68", ce qui permet d'en déceler le mécanisme plus facilement.

- Dès 1982, "Charlie-Hebdo" (canal historique) est au bord de la faillite : l'arrivée au pouvoir de la gauche a discrédité "Charlie-Hebdo" auprès d'une partie de ses lecteurs. Il a fallu moins d'un an aux électeurs de gauche antigaullistes et anticolonialistes, dont Cabu faisait partie, pour comprendre qu'ils avaient été cocufiés par François Mitterrand et sa clique, qui vont renforcer le dispositif gaulliste, disons "absolutiste", en l'adaptant à la société de consommation qui autorise un plus grand nombre de positions sexuelles que le gaullisme.

La "liberté d'expression" de gauche, dont "Charlie-Hebdo" est devenu l'emblème au terme d'une subversion parfaite de l'ambition de "Charlie-Hebdo" de faire éclater l'absence de liberté d'expression véritable, cette liberté se présente comme une offre politique élargie.

On comprend que la Seine-St-Denis batte aujourd'hui le record d'abstention : l'extension de l'offre politique est oligarchique, et la fréquentation des supermarchés est une marque d'adhésion largement suffisante de la part des banlieusards.

- "Charlie-Hebdo" mettra seulement quelques années de plus que la gauche monarchiste à se ranger derrière l'étendard colonialiste de l'OTAN, qui ajoute aux méthodes britanniques et françaises brutales de la fin du XIXe siècle une dose d'hypocrisie démocrate-chrétienne, destinée à convaincre l'opinion publique d'adhérer au principe impérialiste. Cette hypocrisie médiatique est une arme de guerre à part entière : elle explique l'acharnement de l'administration américaine contre Julian Assange.

Quelques années après la guerre du Golfe, "Charlie-Hebdo" deviendra une publication officieuse du PS.

Ce processus de subversion de la subversion est intéressant à observer car il ne se limite pas à "Charlie-Hebdo" : la culture bourgeoise depuis le milieu du XIXe siècle se comporte comme un tube digestif, ingurgitant la contre-culture et la régurgitant sous une forme policée, expurgée de son contenu subversif. On pourrait multiplier les exemples de cet aplanissement de la contre-culture, auquel l'Education nationale et l'Université contribuent de tout leur poids en bourrant le crâne des gosses dès leur plus jeune âge de calcul algébrique ; mentionnons-en deux pour étayer notre propos :

- Le mouvement surréaliste, qui a perdu toute sa force contestataire primitive très rapidement, pour tomber au niveau de l'esbrouffe de Salvador Dali ou du simple exercice de style.

- L'opération de muséification de la bande dessinée s'oppose quant à elle diamétralement à la critique de la culture de masse du début du XXe siècle (Orwell, Huxley, Arendt...), qui décrivaient cette culture comme un nouvel opium.

Écrire un commentaire

Optionnel