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Revue de presse BD (143)

 Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.

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Couverture de "Grodada" n°9, mensuel pour les enfants imaginé par le Professeur Choron et Charlie Schlingo pour rebondir après la faillite de "Charlie-Hebdo".

+ Sylvia Lebègue, dernière femme de Georges Bernier, "alias Pr Choron", a récemment publié les mémoires de ses années de « mouise » aux côtés du génial inventeur de « Hara-Kiri » et « Charlie-Hebdo » ("L'Archipel"). Sylvia sut remonter le moral du « Prof », qui venait de perdre sa précédente femme, suicidée, et que le succès et la fortune avaient également fui, après quelques années florissantes à la tête de "Hara-Kiri". Les talents de provocateur du "Prof", dont le titre imaginé lors du décès de de Gaulle est resté dans les annales : « Bal tragique à Colombey : 1 mort. » (un accident dans une boîte de nuit quelques temps auparavant avait provoqué une hécatombe de jeunes gens), avaient en effet attiré des lecteurs et des admirateurs en nombre. Puis, le tranchant de « Charlie-Hebdo » avait fini par s’émousser, ou le public par se lasser. Très rares sont les journaux capables de se réinventer. Mais Choron, lui, persuadé de n’avoir pas dit son dernier mot, s’acharnait, tentant de lancer de nouveaux titres sans tenir compte du marasme. La fortune est une bonne mère, jusque au jour où elle vous flanque à la rue sans préavis ni explication… Sylvia faisait tout : la putain, la confidente, le ménage, la comptabilité, et n’avait en échange que le plaisir de côtoyer un génie déchu, et ses potes (...). Le témoignage de Sylvia Lebègue est plutôt d’ordre intime ; il parle de la difficulté pour une femme de partager la vie d’un artiste, « has been » de surcroît. Certains artistes "usent" parfois plusieurs femmes au cours de leur existence. D'autres encore préfèrent la compagnie des prostituées. Quand Sylvia Lebègue commença de se prostituer, le "Prof" se réjouit de cette manne providentielle, permettant au couple de vivre, et n'hésita pas à l'encourager. Choron était de ceux qui pensent qu'"il n'y a pas de sot métier".

La muflerie et la brutalité de Choron avec sa femme choqueront certains lecteurs "sensibles". Celle-là fut la conséquence de son alcoolisme, manie attrapée à l’armée ; le jeune Bernier, après divers jobs alimentaires, s’était en effet engagé pour l’Indochine, avant d’en revenir sans doute amputé de pas mal d’illusions sur le genre humain. Au-delà du jugement moral, on remarquera que le couple trouvait là son équilibre, et surtout que la jeune femme, apparemment masochiste et paumée, n’était pas forcément le maillon faible. La réussite, Sylvia Lebègue ne l'a connue que très brièvement, avec "Grodada", reconversion inattendue du "Prof" dans la presse pour enfants, avec l'aide notamment de l'illustrateur Charlie Schlingo. Mais l'entreprise jouera de malchance, et sera coulée par une grève prolongée en 1995. Bref, on est assez loin des mémoires de l'ex-première dame de France. Sylvia Lebègue témoigne que le "Prof" prit comme une claque que "Charlie-Hebdo" renaisse sans lui. Un site d'archives Choron, très bien fait et abondamment illustré, permet de découvrir ou de redécouvrir les différentes collaborations du "Prof", de "Hara-Kiri" à "La Mouise", en passant par "Grodada".

+ Le trophée "Presse-citron" du dessin de presse organisé par les étudiants de l'école Estienne a été remis jeudi 26 mars dans les salons de l'hôtel de ville du XIIIe arr, en présence d'un parterre de caricaturistes et d'élèves. On peut voir dans la caution des pouvoirs publics un signe d'affaiblissement de la satire. Deux trophées et des accessits étaient décernés, l'un dans la catégorie "professionnels", l'autre dans la catégorie "étudiants" ; dans le premier cas les étudiants votaient, dans le second les professionnels. Au vu des résultats, le consensus n'est peut-être pas la meilleure façon de choisir un dessin satirique ou humoristique. Dans la catégorie "étudiants", le prix a été décerné à Ulric Leprovost (Faculté Paris VIII) ; et dans la catégorie "professionnels" à Pascal Gros (Marianne). Aucun thème n'était imposé, mais le souvenir de l'attentat contre "Charlie-Hebdo" semble avoir pesé dans le vote. Ulric Leprovost s'est déclaré étonné que son dessin ait été choisi, le trouvant "plutôt con" sur le moment, et encore par la suite (!?). Pascal Gros, dont le style évoque celui de Tignous, a dit vouloir montrer par son dessin que le blasphème est avant tout dans l'oeil du spectateur ; ce n'est sans doute pas faux, mais c'est un contresens par rapport aux caricatures danoises reproduites dans "Charlie-Hebdo", qui étaient de l'ordre du pamphlet islamophobe ou du choc (intentionnel) des cultures. Plusieurs centaines de dessins concouraient dans chaque catégorie ; la sélection "étudiants" comptait surtout des dessins de "graphistes", assez éloignés de la veine "rabelaisienne" du dessin de presse.

+ Célébrés comme les génies de la pâte à modeler en mouvement dans leur pays, les excentriques britanniques David Sproxton et Peter Lord sortaient à peine de l'adolescence quand ils fondèrent à Bristol les studios "Aardman", du nom de leur premier personnage, un super-héros capable de rien. Le succès viendra vite avec les aventures de "Wallace & Gromit", plus large encore avec le long métrage "Chicken Run". A l'occasion de la sortie de leur nouveau long, "Shaun Le Mouton", le musée d'art ludique à Paris consacre une expo. aux coulisses de la fabrication de ces dessins animés, à base de petites sculptures grotesques en pâte-à-modeler, animées suivant la technique du "stop-motion" (photographies très rapprochées). La production de dessin-animée est très coûteuse, ce qui explique la disparition des cartoons américains des années 30 au profit de longs films sirupeux fabriqués à la chaîne, plus lucratifs pour les studios de production. S'inspirant d'un conte d'Andersen, les producteurs de "La Reine des Neiges" ont transformé la méchante soeur du conte en personnage sympathique, afin d'éviter sans doute cauchemars et indigestions aux jeunes spectatrices.

Les jeunes Britanniques Sproxton et Lord, ultérieurement rejoints par un troisième larron, Nick Park, en usant d'une technique peu onéreuse, ont pu conserver leur indépendance ; ils instillent ainsi leur humour, parfois dérangeant, dans une production mi-burlesque, mi-caustique, sans doute moins vouée à se démoder que le cinéma ordinaire. Les dessins-animés du studio Aardman tranchent avec la production de divertissements pour enfants, lisses et insipides. Dans "Pirates" (2012), nos amuseurs osent même brocarder la reine Victoria, et surtout le biologiste Charles Darwin, ce qui est plus audacieux. Le musée d'art ludique présente des centaines de dessins préparatoires, ainsi que de nombreux décors minutieux, soulignant que cet art, s'il est un art du mouvement, exige néanmoins beaucoup de patience. L'expo. est ouverte jusqu'en août. "Shaun Le Mouton" est projeté depuis le 1er avril.

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