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l'étranger

  • L'Etranger***

    Nombre d’écrivains ont tiré de l’absurdité de l’existence, résumée par Shakespeare dans la fameuse webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,camus,l'étranger,gallimard,kritik,jacques ferrandez,algérie,shakespeare,hamlet,houellebecq,meursaulttirade de Hamlet («To be or not to be»), matière à des pièces ou des morceaux comiques. L’absurdité de la condition humaine est bien le sujet de «L’Etranger» de Camus, que Jacques Ferrandez vient d’adapter en BD, mais c’est un constat sec, sans humour, presque animal.

    Meursault, le jeune héros de Camus, tue un Arabe, le lendemain des obsèques de sa mère, moitié par réflexe de défense, moitié par hasard. Son manque de foi étonne et indispose ses juges, qui le condamnent à mort. Meursault, en effet, ne gobe ni l’amour, ni l’ambition professionnelle, ni la religion, ni le mariage, ni l’amitié, rien de tout ce qui excite ses contemporains. Comment s’offusquerait-il de sa condamnation, puisque vivre, en définitive, c’est pour mourir ? L’imperméabilité de Meursault à l’espoir surprend même son confesseur, venu pour le sauver in extremis, et que les condamnés à mort on habitué à plus de crédulité. Meursault avoue bien un peu de crainte devant le couperet, mais pas assez pour changer brusquement sa disposition d’esprit.

    Le roman, quand il parut, choqua les apôtres du socialisme par son athéisme. Il est vrai que je me suis toujours demandé quelle philosophie ou quel humanisme on peut bien déduire des romans de Camus ?

    Cela dit, Camus paraît désormais plus moderne que le socialisme ; la société de consommation a triomphé en quelques décennies des envolées lyriques des derniers poètes socialistes ; s’il reste bien encore quelques militants, qui proposent tantôt de s’indigner, tantôt de protéger la couche d’ozone, ce sont eux qui sont devenus des étrangers, quasiment isolés dans un océan d’indifférence. Le monde est devenu camusien, c’est-à-dire plus ou moins épicurien, cherchant dans les petits plaisirs culinaires ou érotiques de l’existence, si ce n’est un but, du moins un mode de vie. Il y a bien eu le grand projet d’Europe unie contre la guerre, il y a quelques années, mais on peut se demander aujourd’hui qui a vraiment cru sincèrement dans ce machin, hormis quelques technocrates ? Puisque la politique consiste à gouverner au centre, n’est-il pas raisonnable que chacun, pour toute direction, choisisse celle indiquée par son nombril ? Ainsi Meursault, centré sur lui-même, se rattache à la vie. Il est «amoral», parce que la vie est physique d’abord, avant d’être bonne ou mauvaise.

    L’adaptation de Ferrandez est fidèle au roman de Camus ; assez plate, mais la platitude est voulue par Camus. Le dessin coloré et chatoyant fait paraître l’Algérie où évolue notre antihéros, une sorte de paradis infernal, puisque sans réponses aux questions que l’homme ne peut s’empêcher de se poser.  Cette ignorance de l’homme, ou sa conformité à ce qui le détermine, Camus ne l’envisage même pas comme le principal forceps vers la tombe ; peut-être se débarrasser de l’espoir socialiste a-t-il pompé toutes ses forces ? Camus, comme Houellebecq, a un côté lézard.

    Le problème avec littérature épicurienne, c’est qu’elle vaut rarement un bon verre de vin blanc frais quand il fait chaud.

    L’Etranger, Jacques Ferrandez d’après Camus, Gallimard, coll. Fétiche (!) 2013.