Le Grand Palais propose jusqu'au 18 janvier 2015 la plus grande exposition hors du Japon des œuvres du maître de l'estampe japonaise, Hokusai, chouchou des Français.
Cette rétrospective est presque exhaustive, retraçant la vie de l'artiste, de son apprentissage dans un atelier de xylographie à ses dernières œuvres qu’il signe « Gakyō Rôjin », littéralement « vieux fou de peinture ».
On peut suivre l’itinéraire de l’artiste et sa production foisonnante, scandée par les noms différents qu’il s’est donnés. Au cours de sa carrière, Hokusai change cinq fois son nom d'artiste, comme pour affirmer à chaque fois une nouvelle période, conscient des étapes de son parcours artistique.
Et c'est peut-être le défaut de cette exposition d'être aussi détaillée. En effet, malgré le talent indéniable d'Hokusai, certaines œuvres majeures sont fondues dans la masse.
Orphelin adopté, Hokusai est né à Edo (ancien nom de Tokyo) en 1760 et commence à dessiner à l'âge de 6 ans. Il devient peintre d'estampe chez un portraitiste d'acteurs de théâtre Kabuki. Commence ainsi sa formation au genre de « l'Ukiyo-e » qui signifie « images du monde flottant » dont il deviendra avec Hiroshige la figure majeure dans les années 1830.
Cette notion philosophique incite les artistes à s'éloigner des conceptions matérialistes et à peindre dans une perspective shintoïste (mélange de polythéisme et d'animisme) la fusion entre l'homme et la nature. Selon Hokusai, l'art de la peinture ne devait briser l'harmonie du tout, mais bien rendre hommage à cette nature sacrée.
Les images du quotidien, la vie des courtisanes, artisans, paysans, pécheurs, sumos ou acteurs de théâtre peuplent ses œuvres.
L'artiste évite l'anecdote par la maîtrise du trait qui permet une grande stylisation et force de composition.
Les estampes étaient réalisées sur bois (souvent de cerisier très dur), gravé au canif. Les lignes très fines permettent le travail quasi miniaturiste de certaines scènes. Le bois est ensuite encré, d'abord à l'encre noire pour faire apparaître le dessin sur le papier de riz. L'opération est renouvelée plusieurs fois puisque chaque couleur est traitée séparément.
Ces « Ukiyo-e » sont à l'époque tellement courantes qu'elles servent parfois de papiers d'emballage à des poteries ou autres objets du quotidien. Mais c'est un art à part entière qui existe de manière autonome, contrairement à l'estampe chinoise qui fera toujours office d'illustration de texte.
L'exposition présente aussi quelques « shungas », représentations érotiques offertes aux jeunes mariés et des mangas (esquisses ou croquis spontanés).
Positions anatomiques, faune et flore sont recensées et ont été publiés en recueils, offrant ainsi aux élèves d'Hokusai un véritable catalogue de formes pour s'exercer.
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Tout est différent dans cet art japonais. La perspective linéaire est bousculée. On remarque à quel point, dans sa célèbre grande vague de Kanagawa (1831), le spectateur est projeté à l'intérieur de la scène grâce à une ligne d'horizon très basse et un rejet des points de fuite en dehors de la composition. Cette vague est extraite de la série des trente-six vues du mont Fuji qui présente différentes scènes populaires, variations autour du mont-volcan sacré de la culture shintoïste. Il utilise à cette occasion le puissant bleu de Prusse qui vient d'être introduit au Japon.
Le Japon s'ouvre en 1830 et l'Occident découvre cette forme artistique produite en vase clos depuis trois-cent ans. Elle transforme alors la peinture occidentale avec la même puissance que la vague emblématique du maitre, en lui offrant de nouvelles possibilités de couleurs, de formes et de compositions.
Ces monts Fuji rappellent instantanément la série de Paul Cézanne sur la montagne Sainte-Victoire d'Aix-en-Provence. Claude Monet, grand collectionneur d'estampes d'Hokusai, sera aussi particulièrement attentif à traduire les changements naturels. L'étude du même motif, par exemple les meules de foin qu'il peint à différentes saisons et heures de la journée, l'amènera à décanter l'objet jusqu'aux frontières de l'abstraction.
Edouard Manet et Paul Gauguin reprendront chacun à leur manière les aplats de couleurs, l'absence d'ombre et l'accentuation du contour typique de la technique gravée d'Hokusai.
Enfin, Vincent Van Gogh passera par une phase japonisante et s'inspirera des cadrages audacieux et du rythme plastique du japonais.
Eternel insatisfait, Hokusai rêvait de vivre jusqu'à 110 ans car il pourrait ainsi devenir selon lui "un grand artiste". Il meurt à 89 ans.
L'exposition montre cependant dans ses dernières salles qu'il est parvenu par un travail acharné (30.000 dessins et peintures) à traduire le souffle de la vie si cher au shintoïsme.
Ill. 1 : portraits de passants par Hokusai.
Ill. 2 : acteur kabuki peint par le maître d'Hokusai.
Aurélie Dekeyser
Commentaires
Intéressant, analyse simple et pertinente, détails sur les techniques indispensable, dernier passage sur les artistes qui ont été inspirés est aussi important
Merci, belle expo à voir en tout cas!