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crève saucisse

  • Hautes Oeuvres***

    Les BD de Simon Hureau («Le Massacre», «Crève Saucisse») se démarquent de la pléthore d’albums webzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,kritik,critique,hautes oeuvres,humanisme,lumières,françaises,sade,violence,françois-robert damiens,la boîte à bulles,simon hureau,louis xv,napoléon,le massacre,crève saucisse
    publiés grâce à leurs thèmes originaux et un style de dessin peu commun (proche cependant du style de Plantu, en moins mollasson) ; une «différence» qui n’est pas forcément gage de succès commercial, à l’ère du marketing et de la culture de masse.

    La Boîte à Bulles vient de rééditer «Hautes Œuvres», dont le scénario se déploie de façon presque circulaire autour de l’exécution du célèbre François-Robert Damiens (1715-1757), auteur d’une tentative de régicide contre la personne de Louis XV.

    La BD de S. Hureau souligne la dimension de spectacle dionysiaque des exécutions en place publique, dont la violence érotique magnétisait le public autant que n’importe quel carnaval ou défilé militaire. «Hautes Œuvres» vaut pour ce rappel de la bestialité sociale, que les idéologies totalitaires du XIXe siècle se sont efforcé d’occulter derrière leurs utopies progressistes; l’idéologie libérale, notamment, en propageant l’idée de «liberté sexuelle» de la manière la plus sournoise; ou le nazisme à travers la théorie de l’amélioration biologique de la race humaine. Ce type de rappel est préférable aux cris d’orfraie hypocrites consécutifs à la violence conjugale de tel chanteur populaire, ou aux débordements libidineux de tel politicien ambitieux.

    Du moins dans la littérature du marquis de Sade, évoqué dans cette BD, l’apologie du viol et de la torture est-elle franche, et non larvée et insidieuse comme dans certains types de divertissements modernes, ou comme la violence des riches dominants (de nature érotique également). On pense également à Nietzsche, dont l’incitation réactionnaire à un retour à la domination des faibles par les forts a le mérite d’être posée clairement, permettant à celui qui n’adhère à ce régime de castes de s’y opposer plus facilement qu’à une violence bourgeoise plus souterraine.

    Le scénario ironise sur le contraste entre cette exécution d’une cruauté extraordinaire et la réputation «d’âge d’or» du Siècle des Lumières, non seulement dans le domaine des arts et des lettres, mais aussi, faut-il le rappeler, dans le domaine de la politique, puisque le règne de Louis XV fut précédé par le régime de fer de Louis XIV, et suivi par le régime sanglant de Napoléon et les temps modernes d’industrialisation barbare. Le sous-titre : « Petit traité d’humanisme à la Française », est sans doute pour indiquer qu’il est préférable, en matière d’humanisme, ne pas s’endormir sur des lauriers remportés par d’autres.

    L’autre suggestion de cette BD est celle d’une métamorphose de la violence sociale, comparable à celle que l’art a connue, passant de méthodes à la fois plus artisanales et plus brutales, mais aussi plus circonscrites, à des méthodes désormais quasiment industrielles mais non moins létales.

     

     Hautes Œuvres, par Simon Hureau, La Boîte à Bulles, 2013.

  • Crève Saucisse***

    Carré d’agneau et partie à quatre : Rabaté et Hureau ont échafaudé sur ce thème un thriller ragoûtant.webzine,bd,gratuit,zébra,bande-dessinée,fanzine,critique,kritik,crève saucisse,simon hureau,rabaté,boucher,charles fourier,thriller,gil jourdan,tableau analytique du cocuage

    Doublement alléchant : un des deux couples «d’amis» exerce la profession de boucher. La boucherie est-elle, à l’instar de la chirurgie, le laboratoire du crime, ainsi que certains esprits impertinents l'envisagent ? A vous de trancher. Mais, la prochaine fois que vous observerez un cuisiner japonais découper des sushis, réfléchissez à ce que je viens de dire: tant de passion, mise dans un geste aussi futile, n’est-il pas, pour le moins, suspect ? Le crime parfait est d'ailleurs le plus social, car il requiert beaucoup d’habileté, et une sorte de «conscience professionnelle».

    Ce qui choque l'opinion dans l'assassinat, ce n’est pas tant l'élimination physique que la méthode employée. Une majorité de gosses croupit en prison, par manque d'expérience.

    Pourfendeur du couple bourgeois ou moderne, Charles Fourier (1772-1837) propose une théorie du quatuor ou du carré amoureux plus que convaincante, pour peu qu’on accepte d’observer la vie telle qu’elle est, et non à travers le prisme religieux mis en place au moyen-âge par l’Eglise pour l’amélioration du confort des femmes. Tableau analytique du cocuage (pas moins de 76 variétés !), élucidation des désirs croisés occultes entre «paires d’amis»: pas étonnant que les putains de Paris aient élu Fourier leur philosophe de cœur, tant ces dames sont, sur le sujet de l’amour bourgeois, entièrement déniaisées.

    Dans le quatuor de Rabaté, le cocu «objectif» est le maillon faible. Il cède à la la passion. Fourier aurait dit : - il est, des quatre, le seul qui ne voit pas son profit. Pourtant il en a un nécessairement, et le verra mieux à la fin de l'histoire, une fois tout gâché. Tout est, dans les institutions bourgeoises, réductible au profit. Mais certains ne le voient pas: leurs sentiments les en empêchent.

    Le "thriller" déçoit cependant. Il est, comme on dit, un peu trop «téléphoné». L’idée que l’assassin trouve la recette de son crime dans une bande-dessinée (Gil Jourdan), clin d’œil amusant, enlève peut-être un peu de crédibilité à l’intrigue, bien que l’hypothèse ne soit pas improbable. J’ai regretté que la boucherie ne soit pas plus mise en avant, sans forcément aller jusqu’à faire servir par la bouchère des morceaux choisis de son amant (hypothèse non moins probable).

    En tout cas, grâce à cette BD, on comprend pourquoi les bouchers ont sur les femmes un effet bœuf, bien plus que les auteurs de bandes-dessinées.

    Crève Saucisse, S. Hureau & Rabaté, éd. Futuropolis, 2013.