Oui, on ne peut pas juger un film sur quelques images mais certaines bandes annonces sont comme ces spots publicitaires mal faits qui produisent un effet répulsif au lieu de nous donner envie.
La transposition d’une BD au cinéma est souvent casse-gueule. Les studios américains s’en sortent plutôt bien avec les personnages Marvel. Le Joker interprété par Jack Nicholson a quasiment éclipsé le personnage dessiné original. Sans doute les héros de papier américains prennent-ils toute leur dimension au cinéma grâce au savoir-faire de techniciens habiles et inspirés ainsi qu’à une communication événementielle maîtrisée.
En Europe le passage à l’écran est souvent décevant. Au mieux il n’apporte rien de plus, au pire il s’avère catastrophique : Tintin, Lucky Luke, Boule et Bill, Gaston Lagaffe, Iznogoud… la liste est longue. Et ce n’est pas une question de moyens (songeons au grotesque «Michel Vaillant» scénarisé par Luc Besson). Les réussites semblent assez rares («L’Enquête corse» d’Alain Berbérian) et elles sont intéressantes quand il s’agit de recréation (par exemple l’«Astérix» d’Alain Chabat).
C’est une grande perplexité qui m’a saisi en regardant la bande-annonce du film «Le combat ordinaire», sorti en salles en pleine période estivale, ce qui est rarement de bon augure. C’est filmé comme un épisode de « Plus belle la vie », avec une esthétique Tahiti Douche et des acteurs principaux plutôt photogéniques qu’on verrait bien dans une saga de l’été sur TF1. Je mentionne à peine la bande-son démonstrative pour bien souligner qu’on va pas rigoler, parce que c’est du sérieux, c’est du profond (1).
Les ingrédients de base sont certes dans la BD de Manu Larcenet (un photographe de guerre usé qui aspire à autre chose, une rencontre amoureuse…). Mais, alors que celui-ci déroulait l’histoire avec finesse et retenue, les extraits du film laissent craindre le pire. Passée à la moulinette du cinéma, l’œuvre de Manu Larcenet semble être devenue un machin inconsistant, inoffensif et globalement niais, comme ce fut le cas pour le «Petit Nicolas» de Goscinny et Sempé (2).
C’est la Magie du Cinéma, qui transforme l'or en plomb.
LB
(1) Musique composée par Cascadeur
(2) A la différence qu’il ne s’agit pas d’une BD, mais le traitement infligé est le même