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lokoapattes

  • Le Train où vont les Choses***

    Si la bande-dessinée était un "art séquentiel", pour reprendre cette métaphore mécanique, alors Fred webzine,gratuit,bd,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,au train ou vont les choses,lokoapattes,fred,philémon,philosophie,platonicienne,zombiserait le grain de sable dans cette machine; en effet, la "lokoapattes", véhicule bizarroïde inventé par Fred pour simuler le moteur de son imagination (cf. couverture ci-contre), ne tourne pas rond.

    Comme toutes les machines à moitié calées en rase campagne, elle pète et elle pue. Tenez, là, Fred envoie un vent: « Dans le monde des lettres et ailleurs, tout le monde fait semblant de se connaître… mais personne ne se connaît… C’est chacun pour soi… »

    En définitive, le prolo n’était pas trop à plaindre, sur sa machine-outil: les choses se déroulaient de façon parfaitement séquentielle jusqu’au +décès+, que la concentration sur l’écrou à serrer lui permettait d’oublier, jusqu’au moment fatidique. Le fils de prolo au chomedu, lui, est bien plus dans la merde, à cause de la mélancolie (+/-) qui lui tombe au coin de la gueule; au lieu de marcher droit, il va en zig-zag et se cogne dans les arbres. Le cinéma essaie bien un peu de compenser ça, avec son cliquetis régulier et monotone, mais ça ne marche qu’à moitié.

    Fred va bientôt mourir, alors il aimerait bien n’avoir pas dessiné tous ces albums de BD pour des prunes. La mort nous pousse à vivre: on n’ose pas la défier. La société nous en dissuade: toute sa valeur religieuse tient à ça. C'est ce qui fait le succès international du socialisme, son triomphe sur la formule catholique précédente; les papes vendaient du rêve "bio", en quelque sorte, inaccessible à toutes les bourses; le socialisme est un grand supermarché, qui fourgue des rêves de moins bonne qualité, mais en quantité industrielle, à l'échelle mondiale. En matière de rêve, Fred était trop exigeant, c'est pour ça qu'il a calé.

    Fred est dégoûté. Pourtant, Philémon a l’air si jeune… Il en prendrait bien encore pour dix ou quinze épisodes.

    *

    Certains artistes s'évertuent pour durer au-delà de la mort. C'est un vieux débat entre Diderot et le sculpteur Falconet. Diderot dit: -L'artiste vise avant tout la gloire; Falconet répond: -Non, moi je m'en fous de la gloire, l'art me suffit. Et comme Diderot était un vieil hypocrite, sympa mais faux-cul, voyant que les arguments de Falconet sont plus solides que les siens, plus "matérialistes", Diderot s'abstient de publier ce débat, comme il en avait primitivement l'intention. Falconet a raison: non seulement la gloire est un piège, mais l'artiste est dans la meilleure position qui soit pour le comprendre.

    Fred, lui, n'est pas assez naïf pour croire dans la gloire; en même temps que son imagination, dont le moteur est sans doute trop mécanique, se heurte à la dure réalité de la mort, sans parvenir à l'écarter.

    Les BD de Fred vont à l'encontre de la scolastique, qui veut que le scénario, la fiction l'emporte sur le dessin en bande-dessinée. Chez Fred, c'est l'inverse, le dessin l'emporte. Sans le dessin de Fred, on resterait au niveau de la philosophie à la mords-moi-le-noeud de Moebius+Jodorowsky (qui, soit dit en passant, à passé sa vie à ne pas apprendre à dessiner).

    Les BD de Fred sont d'abord et surtout des invitations à dessiner; ça vaut mieux que tout l'art numérique, qui est une invitation à se soumettre à des codes.

    (Zombi, déjà mort mais pas tout-à-fait - leloublan@gmx.fr)