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estampes

  • Revue de presse (129)

    Extraits de la revue de presse publiée dans l'hebdo Zébra.

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    + Peut-être après avoir vu dans Zébra le dessin de LB sur la nouvelle "tototte" (cigarette électronique) à la mode, un lecteur nous a fait parvenir cette illustration de Sem pour la couverture d'un roman de Clément Vautel (1924, Albin Michel), faisant remarquer qu'elle est prémonitoire. On trouve au catalogue d'Albin Michel cette année-là, outre "Madame ne veut pas d'enfant" : "L'Entretenu", "Maud, femme du monde cambrioleuse", "L'Amant de poche", "Trio d'amour", "La Virginité de Mlle Thulette", "L'Homme de Joie", "M. le Vicomte et son Pote", "La Maîtresse insoumise", "La Triple Caresse", "Lélie, fumeuse d'opium", "La Paroisse du Moulin Rouge", etc. Comme quoi l'essayiste E. Zemmour qui met la décadence de la France sur le compte de "Mai 68" aurait aussi bien pu l'imputer aux Années Folles.

    + Catherine Simon a récemment rendu compte dans "Le Monde" de la vie et de l'oeuvre du Berruyer Marcel Bascoulard sur une pleine page (5 déc.). Les "Cahiers dessinés" (Frédéric Pajak) viennent en effet de publier un catalogue critique de l'oeuvre dessiné de Marcel Bascoulard. Le choix éditorial des "Cahiers dessinés" surprend ; en effet, Frédéric Pajak se veut "nietzschéen", or Marcel Bascoulard, clochard, travesti et dessinateur, mort assassiné de surcroît, est sans doute le moins nietzschéen des artistes, plus près du "loser" que du "surhomme". La biographie dramatique et pittoresque de Bascoulard éclipse son oeuvre, au point que "Le Monde" et les "Cahiers dessinés" ont fait le choix d'illustrer article et catalogue par une photographie de l'artiste, plutôt que par l'un de ses dessins. Les paysages architecturés de Bascoulard, qu'il monnaya pour survivre à ses concitoyens pendant trente ans, sont aussi banals que son existence, ponctuée d'épisodes dramatiques, à commencer par l'assassinat de son père par sa mère, est "hors norme". Une sociologue esquisse cette explication psychanalytique des moeurs marginales de Bascoulard, dans lesquelles elle discerne : "une démarche non seulement d'identification à la mère, mais aussi de désappropriation d'une culture de la famille." Ne visant pas l'originalité, mais une sorte de philosophie naturelle, Nietzsche aurait sans doute récusé toute analyse médicale de son art, à l'instar d'Artaud (défendant Van Gogh) ou du critique littéraire juif Karl Kraus, acharné dès son émergence à démolir la théorie de Freud à l'aide de mots d'esprits ironiques.

    Il n'est pas moins vrai que certains marginaux, déshérités ou pauvres, font preuve d'une force de caractère hors du commun, qui semble défier les lois de la nature, et par conséquent de l'art. Bascoulard était surnommé "le Diogène d'Avaricum".

    + "18-Les Nouvelles", semestriel gratuit distribué aux habitants du 18e arr. de Paris n'est pas seulement dédié à la vie économique, sociale et gastronomique de ce quartier, mais comporte aussi quelques rubriques culturelles. Le dernier numéro paru revient ainsi sur la carrière de l'illustrateur Francisque Poulbot, dont l'article affirme d'emblée que les créations ont été plagiées dans le monde entier, et qu'elles ont joué un rôle décisif dans l'histoire du dessin et l'histoire tout court. Il est fait ici allusion au rôle de propagandiste et de soutien moral des civils joué par les dessins de Poulbot, qui représente les gosses déshérités, et parfois affamés, avec des mines néanmoins réjouies et remplies de confiance. Le patriotisme de Poulbot constitue un revirement, puisque ce dessinateur contribua avant guerre à des journaux satiriques et/ou anarchistes. L'article explique que l'artiste a changé son fusil d'épaule en raison de la proximité des canons allemands à longue portée, cette menace ayant pour effet de resserrer les liens de la population. Rien de tel en somme qu'une bonne guerre pour restaurer la solidarité entre Français, plus enclins à l'individualisme en temps de paix. F. Poulbot s'est éteint avenue Junot en 1946, après avoir contribué aux "bonnes oeuvres" et ouvert un dispensaire pour les enfants nécessiteux de la Butte. Sa tombe est au cimetière de Montmartre.

    Le critique d'art britannique E. Gombrich n'aimait rien tant que mettre les pieds dans le plat et contredire les grandes doctrines esthétiques à la mode, aussi bien les doctrines conservatrices que modernistes. A propos des estampes d'Hokusai (encore exposées au Grand-Palais), il fit bien sûr la remarque de leur influence décisive sur les impressionnistes en général et Manet en particulier. Ceux-ci trouvèrent dans cette façon de composer et de dessiner, radicalement différente des canons du XIXe siècle, un point de départ à leur nouvelle manière. Mais, s'écartant de la tradition japonaise, et méprisé pour cette raison par les amateurs d'art de ce pays, cet art de l'estampe, complète Gombrich, empruntait lui-même au XVIIIe siècle européen et sa production d'images imprimées, sur des thèmes souvent triviaux. Cela explique peut-être l'engouement des artistes et du public français pour l'art d'Hokusai, même si l'exotisme joue aussi un rôle.

    "Aussi intimidant cela soit-il pour un artiste en herbe de dessiner des inconnus dans le plus simple appareil, c'est un exercice fondamental pour apprendre à bien dessiner. C'est essentiel. Quand on maîtrise la forme du corps humain, jusqu'à son asymétrie, la difficulté des proportions et la subtilité de l'éclairage, alors on peut comprendre et dessiner n'importe quoi. C'est pourquoi cela représente la part principale d'un bon enseignement artistique. C'est aussi, je pense, bon pour l'esprit." Ainsi plaide Richard Johnson dans le "Washington Post" pour l'apprentissage du dessin d'après le modèle vivant. Il exécute pour sa part des dessins pour illustrer des reportages dans ce quotidienOn connaît quelques exemples d'excellents dessinateurs qui ont pu s'affranchir de cette méthode, comme Daumier, bénéficiant d'une excellente mémoire visuelle et qui a recopié avec acharnement les dessins d'artistes confirmés avant de le devenir lui-même. R. Johnson exagère le côté intimidant qu'il y a à dessiner des personnes nues ; seule une disgrâce quasi-cadavérique peut éventuellement être gênante ; bien des situations de la vie quotidienne sont plus intimidantes. Cependant la pudeur est souvent invoquée en France pour restreindre l'accès des cours de dessins aux personnes majeures, en raison de l'ingérence excessive de l'administration dans une matière dont elle ignore à peu près tout. Cette pudibonderie prête évidemment à sourire quand on sait les dommages collatéraux de la "culture numérique" sur ses adeptes les plus frénétiques.

    + Le site de partage de fichiers Issuu.com permet non seulement de lire les anciens n° de Zébra gratuitement, mais également d'autres fanzines de BD roumains, espagnols ou britanniques, ainsi que quelques anciens numéros de magazines vendus en kiosque comme ce "Fluide Glacial" spécial "Rolling-Stones", avec une petite chronique en prime signée Frémion sur l'humoriste André François. Le fanzine de BD "Flûtiste" (cinq n° parus), à l'initiative de quelques élèves de l'école Olivier de Serres, y met aussi ses anciens numéros en ligne, comme ce n°3 "spécial bizness".