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Caricature et politique

Le fanzine Zébra promeut la caricature, non pas seulement comme un moyen de faire rire, mais comme un moyen politique, plus utile que le fait de déposer un bulletin dans l'urne quand le suffrage universel est conçu pour court-circuiter les "corps intermédiaires", c'est-à-dire les institutions qui pourraient contrebalancer le pouvoir exorbitant de l'oligarchie.

On ne trahira pas l'esprit de Cavanna, Choron, Reiser et Cabu, en disant que 30 millions de cons sont allés voter aux législatives à l'invitation des partis politiques, ce qui revenait à participer à une partie de poker menteur, contre un surdoué dans cette discipline, formé dans les plus grandes écoles et sur le terrain des montages financiers.

Par ce moyen politique, "Charlie-Hebdo" (canal historique) montra par deux fois que le journalisme et la presse étaient morts. Le journalisme et la presse se résumaient en 1969 à la propagande gaulliste ; et, vingt ans plus tard, "Charlie-Hebdo", assassiné par le PS, ressuscita pour démontrer que le journalisme et la presse se résumaient à la propagande atlantiste.

L'histoire de la presse au cours de la seconde moitié du XXe siècle peut se résumer à l'histoire de "Charlie-Hebdo". L'historien peut laisser de côté le reste, car la difficulté de "Charlie-Hebdo" à faire du journalisme qui soit du journalisme suffit à éclairer cette période.

L'histoire de "Charlie-Hebdo" confirme le diagnostic d'Orwell d'un Occident aphasique, nihiliste -diagnostic formulé dès 1950. Il n'y a plus, dit Orwell dans "1984", que des rapports de soumission à la puissance publique ou de domination de l'Etat.

On peut l'observer sous un autre angle, celui de la bêtise anarcho-capitaliste, logiquement répandue parmi les plus jeunes, qui ressentent en général plus vivement la contrainte exercée par la puissance publique. L'anarcho-capitalisme est une tentative d'évasion du cadre totalitaire, qui n'est pas très éloignée du suicide. Le trumpisme est un jeunisme que l'on ne peut condamner sans tenir compte de l'Etat gérontocratique qui provoque cette rébellion insane.

La satire d'Orwell est un moyen politique : elle souligne que le totalitarisme, qu'il soit nazi, communiste ou démocrate-chrétien (sur le modèle américain), est un mouvement d'inertie sur le plan politique ; à l'instar d'une gigantesque nef, d'un gigantesque navire sans gouvernail.

L'activité principale de Big Brother n'est pas une activité politique, c'est une activité de propagande. L'action politique est dissoute dans la rhétorique politique, au stade totalitaire, exactement comme l'activité économique est dissoute dans la publicité commerciale.

On le vérifie aujourd'hui après l'échec de la politique européenne : elle a échoué parce qu'elle n'était pas une politique, mais un ensemble de recettes technocratiques et de slogans teintés du millénarisme consumériste le plus trivial.

Si l'antitotalitarisme de "Charlie-Hebdo" s'est quelque peu édulcoré au fil des décennies, jusqu'à se rapprocher dangereusement du pouvoir libéral, c'est sans doute parce qu'il était empirique, né du constat de la disparition de la presse indépendante.

Orwell, lui, est beaucoup moins empirique, et s'inscrit dans une longue tradition satirique britannique qui commence avec Shakespeare. Dès la fin du XVIe siècle, le tragédien anglais utilise la satire comme moyen politique. L'intention de Sh. ne fait aucun doute car ses pièces sont émaillées de saillies dirigées contre la "science politique". Shakespeare montre que cette science repose sur la méconnaissance du mobile humain, que le théâtre satirique expose beaucoup mieux. La science politique essaie de faire entrer la société dans une formule mathématique, ce qui est inepte. Sh. a discrédité la technocratie avant qu'elle ne naisse et ne se développe vraiment !

Les utopies totalitaires réduisent l'homme à un animal politique. Les citoyens des régimes totalitaires sont traités comme les cobayes plus ou moins consentants d'une expérience politique, par une petite élite formée à des outils politiques et économiques qu'elle juge performants. Huxley et Orwell ont très bien montré cet aspect de la domestication du citoyen lambda par l'Etat totalitaire.

Les citoyens soumis à un régime totalitaire sont mus aussi par le désir d'immortalité, qui fait de l'homme un animal unique en son genre (seuls les personnes suicidaires sont véritablement "athées" dans ce type de régime), mais ce désir d'immortalité n'est pas personnel, il est délégué à l'Etat ou à l'Histoire, d'où la persistance du culte archaïque de la personnalité, voire son amplification dans des régimes qui se veulent démocratiques.

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