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Zébra décrypte

Les Français sont invités à jouer lors des prochaines législatives le rôle de pions dans une partie d'échecs. Kafka disait qu'"il ne suffit pas de parler de progrès pour qu'il y ait un progrès" ; il en va de même pour la démocratie qui, en 2024, se situe au niveau de l'écran de fumée des mots.

Pour beaucoup de Français d'un certain âge, voter est une sorte de réflexe conditionné : on vote comme autrefois on allait à la messe, quand il y avait encore des prêtres. L'isoloir n'a pas une odeur d'encens, mais c'est tout comme.

Hors du scrutin, point de salut, pensent donc beaucoup de vieillards, rendus conformistes par l'âge quand ils ne l'étaient pas de naissance ; s'ils savaient que toutes ces élections ne font que creuser un peu plus le fossé entre eux et la jeune génération, peut-être s'abstiendraient-ils ? Les quelques jeunes Français qui votent, bien que ce ne soit pas très "stylé", sont plus sensibles que la moyenne aux arguments sécuritaires de l'extrême-droite, de l'extrême-gauche ou du président.

Les jeunes qui votent sont peut-être les jeunes qui ont cru qu'on allait tous mourir à cause du coronavirus en 2019-2020 ? (on pourrait s'amuser à comparer les chiffres du taux de vaccination chez les jeunes et leur taux de participation). Ces jeunes-là n'ont pas encore l'expérience du cocufiage, dont il faut dire qu'il se nourrit de la crédulité du cocu, pas seulement des roucoulades du prétendant.

Rendons ici hommage aux quelques députés néophytes de la précédente législature qui ont préféré renoncer au faux-semblant de la "représentation nationale", après avoir découvert combien le parlement pèse inutilement sur les finances publiques. A ce niveau, l'antiparlementarisme mérite d'être appelé civisme !

Au fil des décennies, le confort intellectuel ambiant aidant, les élections sont devenues pour les Français une façon de se décharger de leur responsabilité politique sur quelques technocrates à la compétence présumée ; l'abolition de la peine de mort prive les Français de l'effet cathartique qui résulterait de la décapitation de tel ou tel polytechnicien qui nous aurait conduit droit dans le mur ; ça n'a l'air de rien, mais l'Ancien régime avait prévu ce type de dispositif (bien avant la Révolution de 1789), qui pouvait éviter des pogroms plus larges.

Une part de l'échec du président de la République, dont la carrière est suspendue au résultat des prochaines élections législatives, est donc imputable à ceux qui ont cru en lui comme à un homme providentiel ; on ne parle pas ici de ses sponsors, mais de tous ceux qui ont déposé un bulletin dans l'urne, la main tremblante d'espoir de changement, ou pour suivre la mode. Seuls les abstentionnistes devraient avoir le droit de critiquer le chef de l'Etat aujourd'hui, de lui faire remarquer qu'il a trahi sa promesse de réduire nettement le nombre de députés (par exemple) ; non que les parlementaires ne fassent rien pour divertir l'opinion publique, mais ils n'ont pas besoin d'être 577 pour ça !

Maintenant décryptons la règle du jeu de l'Union européenne, auquel les pions ne participent pas, mais seulement les fous, les cavaliers, les tours, le roi et la reine Ursula ; l'Union repose depuis vingt ans sur la capacité de l'Allemagne à rembourser les dettes des pays voisins. A cette capacité de remboursement, l'attaque soudaine de V. Poutine en Ukraine a mis un sérieux coup de frein, en particulier le sabotage du gazoduc NordStream en Mer Baltique, qui alimentait l'industrie allemande en gaz russe bon marché.

L'avenir de l'Union est donc sérieusement compromis par le duel qui oppose la Russie à l'Ukraine et ses alliés. En effet, si V. Poutine s'est ridiculisé dans cette attaque-surprise foireuse, il n'a pas encore perdu le bras de fer qui l'oppose à Washington, principal soutien de l'Ukraine.

L'UE s'inscrit bien sûr en filigrane dans les bulletins des législatives ; tout le monde l'a compris à l'empressement de Marine Le Pen et son poulain Jordan Bardella à plier un genou devant l'UE, puis un deuxième devant l'OTAN. Le Pen et Bardella ne font jamais ici que refaire le coup que J. Chirac fit à ses électeurs naguère, quand l'UE n'avait pas encore gaspillé toutes ses cartouches.

J.-L. Mélenchon est donc le seul candidat d'opposition (à l'UE), au sein d'un "Front populaire" conçu... pour le rayer des listes de la prochaine présidentielle. Est-ce que ça ne ressemble pas à une p. de partie d'échecs ?... avec des dizaines de milliers de vies en jeu, de simples pions comme vous et moi.

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