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maël

  • Dans la Colonie pénitentiaire***

    "(...) La violence des hommes faite à d'autres hommes bat tous les records d'audimat (exécutions sommaires,webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,franz kafka,colonie pénitentiaire,delcourt,ex-libris,sylvain ricard,maël,simone weil guerres, attentats...) et il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'une exécution publique place de la Concorde aurait plus de succès et plus de (télé)spectateurs que n'importe quelle autre festivité...", écrit Sylvain Ricard en préambule de "Dans la Colonie pénitentiaire", nouvelle de Frantz Kafka qu'il a adaptée en BD avec l'aide de Maël (Delcourt - Ex-libris). Ce scénariste démontre ainsi l'actualité de Kafka, qui s'est employé dans plusieurs romans ou nouvelles à dénoncer l'iniquité de la justice moderne.

    "Croire au progrès ne suffit pas pour qu'un progrès ait déjà eu lieu" : de fait, Kafka est très sévère avec la religion du progrès et ce nouveau dieu qu'est l'Etat, à qui des millions d'Occidentaux s'en remettent désormais, ayant abandonné leur esprit critique en échange de la promesse de sécurité. A l'instar de l'essayiste Simone Weil, Frantz Kafka était sans doute trop sensible pour ignorer l'oppression moderne, aussi subtile soit-elle, dont la mécanisation/sexualisation des rapports humains est une manifestation évidente. Il n'y a pas de totalitarisme sans éloge de la mécanique et des mécaniciens ; à côté de la mécanique et des armées d'ingénieurs polytechniques à son service - Kafka, ses romans, c'est le grain de sable.

    Kafka est si sévère avec la justice et le droit modernes que l'on pourrait presque le qualifier de réactionnaire. Néanmoins, au contraire de Nietzsche, Kafka ne propose pas de doctrine pour remédier à la soumission de plus en plus grande de l'individu à l'Etat et au système judiciaire (voyez comme les avocats du capitalisme et les nostalgiques du stalinisme s'entendent pour fustiger l'individualisme, là où règnent les réseaux sociaux...). Kafka est plutôt une sorte d'aporie : il se contente de faire voir l'impasse où nous sommes rendus ; c'est ce qui rend sa prose aussi oppressante.

    Les adaptateurs de "Dans la Colonie pénitentiaire" ont réussi à transposer ce pessimisme lucide, à la limite du cri d'effroi - surtout ne pas transformer Kafka en divertissement (cela donnerait à peu près Charlie Chaplin) !

    Dans la colonie pénitentiaire, de Franz Kafka, adapté par Sylvain Ricard et Maël, Delcourt - Ex-Libris, 2007.