Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.
Couverture de "Grodada" n°9, mensuel pour les enfants imaginé par le Professeur Choron et Charlie Schlingo pour rebondir après la faillite de "Charlie-Hebdo".
+ Sylvia Lebègue, dernière femme de Georges Bernier, "alias Pr Choron", a récemment publié les mémoires de ses années de « mouise » aux côtés du génial inventeur de « Hara-Kiri » et « Charlie-Hebdo » ("L'Archipel"). Sylvia sut remonter le moral du « Prof », qui venait de perdre sa précédente femme, suicidée, et que le succès et la fortune avaient également fui, après quelques années florissantes à la tête de "Hara-Kiri". Les talents de provocateur du "Prof", dont le titre imaginé lors du décès de de Gaulle est resté dans les annales : « Bal tragique à Colombey : 1 mort. » (un accident dans une boîte de nuit quelques temps auparavant avait provoqué une hécatombe de jeunes gens), avaient en effet attiré des lecteurs et des admirateurs en nombre. Puis, le tranchant de « Charlie-Hebdo » avait fini par s’émousser, ou le public par se lasser. Très rares sont les journaux capables de se réinventer. Mais Choron, lui, persuadé de n’avoir pas dit son dernier mot, s’acharnait, tentant de lancer de nouveaux titres sans tenir compte du marasme. La fortune est une bonne mère, jusque au jour où elle vous flanque à la rue sans préavis ni explication… Sylvia faisait tout : la putain, la confidente, le ménage, la comptabilité, et n’avait en échange que le plaisir de côtoyer un génie déchu, et ses potes (...). Le témoignage de Sylvia Lebègue est plutôt d’ordre intime ; il parle de la difficulté pour une femme de partager la vie d’un artiste, « has been » de surcroît. Certains artistes "usent" parfois plusieurs femmes au cours de leur existence. D'autres encore préfèrent la compagnie des prostituées. Quand Sylvia Lebègue commença de se prostituer, le "Prof" se réjouit de cette manne providentielle, permettant au couple de vivre, et n'hésita pas à l'encourager. Choron était de ceux qui pensent qu'"il n'y a pas de sot métier".
La muflerie et la brutalité de Choron avec sa femme choqueront certains lecteurs "sensibles". Celle-là fut la conséquence de son alcoolisme, manie attrapée à l’armée ; le jeune Bernier, après divers jobs alimentaires, s’était en effet engagé pour l’Indochine, avant d’en revenir sans doute amputé de pas mal d’illusions sur le genre humain. Au-delà du jugement moral, on remarquera que le couple trouvait là son équilibre, et surtout que la jeune femme, apparemment masochiste et paumée, n’était pas forcément le maillon faible. La réussite, Sylvia Lebègue ne l'a connue que très brièvement, avec "Grodada", reconversion inattendue du "Prof" dans la presse pour enfants, avec l'aide notamment de l'illustrateur Charlie Schlingo. Mais l'entreprise jouera de malchance, et sera coulée par une grève prolongée en 1995. Bref, on est assez loin des mémoires de l'ex-première dame de France. Sylvia Lebègue témoigne que le "Prof" prit comme une claque que "Charlie-Hebdo" renaisse sans lui. Un site d'archives Choron, très bien fait et abondamment illustré, permet de découvrir ou de redécouvrir les différentes collaborations du "Prof", de "Hara-Kiri" à "La Mouise", en passant par "Grodada".