Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.
(Portrait de J. Van Melkebeke, par Hergé in : "Le Secret de la Licorne")
+ En Belgique ou en France, comme aux Etats-Unis, des académies de BD ouvrent afin de former de nouveaux auteurs ; par exemple l’année dernière en plein Paris, à l’initiative de l’éditeur G. Delcourt. La bande-dessinée y est enseignée comme un art à part entière, et par conséquent des cours d’histoire de la BD sont dispensés, en plus de la technique.
On peut recommander à ces étudiants la lecture de cette interview en ligne de Jacques Martin (2001), auteur de la série à succès « Alix » (une vingtaine de millions d’albums vendus au total). Nul n’incarne mieux que cette saga située dans l’Antiquité romaine l’ambition du « Journal de Tintin » de proposer aux enfants et adolescents des lectures divertissantes « de qualité » - quoi que certains intellectuels de gauche ont, par le passé, reproché à J. Martin de véhiculer, à l’instar de Nietzsche, un discours réactionnaire en exaltant l’Antiquité romaine à travers la saga d’Alix le gallo-romain. Fondée ou non, cette polémique illustre au moins l’enjeu culturel de la BD et les efforts de divers partis pour se l’approprier.
Mais surtout J. Martin a longtemps collaboré étroitement avec Hergé, représentant avec lui de la « ligne claire ». Le témoignage de J. Martin est éclairant sur le procédé de fabrication de « Tintin ». Quelques anecdotes racontées par J. Martin montrent que « Tintin » est une œuvre moins personnelle qu’on ne le croit. J. Martin raconte ainsi comment le public à imposé à Hergé le personnage provisoire du capitaine Haddock, dont il a fallu atténuer certains traits de caractère afin de le rendre plus sympathique.
Mais aussi J. Martin rappelle le rôle discret mais important de Jacques Van Melkebeke dans l’écriture des scénarios de Hergé ou E.P. Jacobs. Paradoxalement, la discrétion de Van Melkebeke, par ailleurs peintre, est due au fait qu’il ne prenait pas très au sérieux la bande-dessinée belge.
Enfin, même si le fait est plus connu, J. Martin raconte que Hergé a désiré se débarrasser de Tintin, dont le succès entravait la curiosité de Hergé pour d’autres formes d’expression artistiques.
On retrouve peut-être plus la touche personnelle de Hergé dans son ingéniosité à adapter les ressorts du dessin-animé au support papier, facilitant ainsi la lecture des albums de Tintin par ses jeunes lecteurs.
Cette conception collective de « Tintin », mi-artisanale, mi-industrielle, est sans doute la clef de l’explication du succès de l’œuvre attribuée pour des raisons de commodité à Hergé, succès bien plus large que celui d’autres formes d’art contemporain plus élitistes, mais tombés plus vite en désuétude.
Lire la suite