Il faudrait ignorer complètement l'histoire du XXe siècle, avoir le crâne bourré de roman national, pour prendre Jordan Bardella pour une menace sérieuse. L'extrême-droite française a toujours été instrumentalisée par l'oligarchie capitaliste. Elle l'a été par François Mitterrand à partir de 1981, introduisant le scrutin proportionnel et montant en épingle le Front national grâce aux médias audio-visuels, afin de diviser la droite gaulliste adverse. Il n'a jamais été sérieusement question d'interdire le FN, il n'en a été question que pour dissiper le soupçon de manoeuvre sournoise de la part du PS. F. Mitterrand n'a d'ailleurs fait là qu'imiter la stratégie d'alliance du parti gaullliste avec le PCF après la Libération.
Avant d'être "retourné" par François Hollande, "Charlie-Hebdo" avertissait sobrement : "Elections, piège à cons." En 2024 ce sont les Gilets jaunes qui le disent : attention aux médias qui appellent à voter E. Macron en vous faisant croire qu'il fait écran à l'extrême-droite, alors que le chef de l'Etat n'est guère plus qu'une interface - un acteur de télévision.
Si l'on retrace l'histoire de l'extrême-droite en remontant jusqu'à l'Action française, on ne pourra éviter cette conclusion que c'est un parti de crétins manipulés. Il n'est pas de crise capitaliste qui n'ait fait naître dans la population, en France comme dans le reste du monde, un sentiment populaire de mécontentement, ayant pour effet d'isoler les technocrates au pouvoir ; le krach mondial de 2008 a déstabilisé une nouvelle fois la société française, stimulant le populisme d'extrême-droite ou d'extrême-gauche.
Le fachisme n'a jamais été que le moyen, conçu et financé par l'oligarchie, de conserver la main - un parti de domestiques. C'est d'ailleurs habile de la part de la caste au pouvoir d'opposer ses domestiques au reste de la population française. K. Marx dévoile cette tactique typiquement française dès la fin du XIXe siècle : "La bourgeoisie française est la mieux garantie d'Europe contre le risque révolutionnaire en raison de la pléthore de fonctionnaires qu'elle emploie". Cette tactique contre-révolutionnaire est efficace, mais elle a rendu la réforme de l'Etat presque impossible et transformé l'Université en une fabrique d'intellectuels à la charge de l'Etat, dont tous n'ont pas l'utilité sociale d'un éboueur ou d'un guichetier de La Poste.
Pour cette raison le discours de Jordan Bardella sur l'immigration est parfaitement hypocrite : la dérégulation en matière d'immigration et les méthodes barbares de contrôle aux frontières découlent de l'organisation économique capitaliste, son avidité de main-d'oeuvre bon marché. Au stade de la désindustrialisation, l'immigration est devenue d'autant plus problématique, la gauche libérale se chargeant de nier ces problèmes pour le compte de l'oligarchie, et de faire miroiter une paix européenne qui n'a jamais eu lieu. La désindustrialisation résulte bien d'une volonté des entreprises multinationales, que les institutions politiques ont renoncé à contrôler, pour ne pas dire que les multinationales impriment le mouvement politique. Quel projet dit mieux le renoncement à la politique que le projet de taxation des superprofits ? On essaie ici d'appliquer une cautère sur une jambe de bois et, plus grave encore, on occulte que les super-profits sont le fruit d'une guerre économique sans merci.
Cette politique économique n'est pas une politique : le profit est sa priorité, ce qui revient sur le plan sportif à faire de la performance une priorité. Il n'est pas inutile de considérer la chose sur le plan sportif, car c'est sur ce plan que l'absence radicale d'éthique des élites capitalistes est le plus facilement observable.
La cupidité elle-même stimule l'immigration "économique", sans oublier la guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis qui déstabilise de nombreux pays en voie de développement et condamne à l'exil des millions de civils..
Le pion Bardella ne prend même pas la peine de condamner les JO de Paris 2020, conçus comme une vitrine du capitalisme et ses pratiques criminelles (financement du terrorisme international). Le premier geste de campagne de ce candidat des oligarques a été de s'incliner devant l'OTAN, confirmant s'il en était besoin que les partis "souverainistes" sont des partis de cocus acharnés, assez idiots pour révérer un général de Gaulle dont le régime a facilité la prise de pouvoir de l'oligarchie, dont l'ignominie va jusqu'à invoquer les victimes de la shoah pour couvrir ses activités criminelles, au risque de compromettre les Juifs honnêtes : la petite racaille des banlieues et ses petits trafics ne sont rien en comparaison de tels procédés.
Le meilleur historien du XXe siècle, George Orwell, que l'on ne peut pas soupçonner de compromission avec le fachisme, a écrit dans le journal qui l'employait que le fachisme n'existait pas, qu'il serait sans doute perfectionné à l'avenir par le communisme ou le libéralisme, bien conscient du rôle de trait-d'union joué par le fachisme historique entre les cartels capitalistes et les populations italienne ou allemande. Le fachisme tient aux circonstances, et non à une idéologie particulière.
La surprise n'est pas qu'une extrême-droite ripolinée en vitesse, représentée par Jordan Bardella, soit aujourd'hui considérée par l'oligarchie (qui la conspuait hier) comme un joker possible : bien plus étonnante l'inertie de la gauche entre 1981 et 2020, en particulier la soumission de l'Education nationale, puisque c'est en son sein que le bourrage de crâne a lieu, dès le plus jeune âge, l'enseignement des mathématiques totalitaires jusqu'à plus soif.
En félicitant "les syndicats marxistes" (sic) dans "Le Figaro", pour le travail accompli dans l'Education nationale, peu de temps avant son limogeage, le ministre J.-M. Blanquer a pris le risque de dévoiler les rouages du système oligarchique, dans lequel l'Education nationale joue un rôle important, car les petits Français y apprennent très tôt à prendre les vessies pour des lanternes, le roman laïc pour l'Histoire véritable. Ce roman laïc a pour but d'attribuer le beau rôle aux élites républicaines dans "le progrès" politique voire scientifique (énergie nucléaire, où est ton progrès ?).
La mauvaise nouvelle pour la jeune génération, née en plein marasme capitaliste et donc en plein vent populiste, est qu'elle se trouve face à une classe politique entièrement inféodée à l'oligarchie, qui ne se soucie que de clientélisme et de strapontins, quand bien même les élections européennes engendrent des députés et des groupes parlementaires sur lesquels la Commission s'essuie les pieds, au vu et au su de tout le monde.
La jeune génération est coupée des générations qui adhèrent au capitalisme par habitude ou par conformisme, pour qui les scrutins électoraux sont organisés à grands frais, afin de donner une apparence de légitimité démocratique aux décisions prises en petits comités d'experts.
La bonne nouvelle est que cette jeune génération peut reprendre son destin en main, se soustraire aux injonctions du système oligarchique, aux sirènes de la société de consommation, auxquelles les générations précédentes ont cédé, malgré "Mai 68" qui se proposait d'y mettre fin, dans un contexte moins favorable de déploiement des puissances militaires russe et américaine.
Les méfaits de la politique oligarchique sont perceptibles aujourd'hui par une part de la population française bien plus large qu'en "Mai 68" : le parti de Marine Le Pen et celui de M. Mélenchon sont des partis de capitalistes déçus des effets du capitalisme : les krachs à répétition, l'abrutissement de la culture de masse, l'immigration incontrôlée, la médecine inféodée aux laboratoires pharmaceutiques, le trafic de drogue incontrôlé, les "réformes sociétales" qui ne sont que le reflet juridique du capitalisme...
Comme la société de consommation ne repose sur aucun besoin véritable, on ne perd absolument rien à s'écarter de ses codes, à se boucher les oreilles pour ne pas écouter cette petite musique macabre ; on ne peut que gagner en intelligence et en volonté. Le totalitarisme le "Brave New World" d'A. Huxley comme "1984" montrent qu'il est lié à la société de consommation (à la production d'une culture de masse), le totalitarisme est, avant tout, un conditionnement.
Affronter la caste des actionnaires du capitalisme et leur garde prétorienne, suivant un réflexe romantique, est sans doute une grossière erreur commise par les plus jeunes ; elle a d'ailleurs tendance à les opposer entre eux, comme si la violence était policière, alors qu'elle est préfectorale et étatique d'abord. Les oligarques financent des mouvements écologistes pour faire diversion, notamment dans la jeune génération, puis ils financent le recrutement de policiers pour disperser les écologistes lorsque leurs exigences se font plus réalistes et pressantes.
Les Gilets jaunes ont fait trembler l'oligarchie car ils ont su garder leur sang-froid, soulignant plutôt par leur stratégie l'isolement d'une caste technocratique, dont on peut se demander si elle n'a pas perdu la tête et ne situe pas plutôt au niveau de l'intelligence artificielle. E. Macron est loin d'être le premier chef de l'Etat à accomplir exactement l'inverse de ce qu'il avait promis à ses électeurs (accroissant le déficit public comme personne avant lui) ; l'Europe, théâtre d'affrontements militaires entre la Russie et les Etats-Unis est le fruit pourri de la politique de ses prédécesseurs.
Pratiquement la jeune génération n'a rien à perdre mais tout à gagner à se désolidariser d'une classe politique qui n'en est pas une, mais plutôt une bande d'acteurs de série B, en ce qui concerne les candidats au parlement de Bruxelles.
Quel intérêt la jeune génération a-t-elle à prendre parti dans la Guerre froide, pour l'un ou l'autre des camps qui s'opposent, sur tous les continents ?... une guerre sans but ni fin, qu'elle n'a pas déclaré.